La maman des oiseaux
La vieille dame sur le banc donne du pain dur aux moineaux. Elle le fait depuis si longtemps, tous les jours, que les oiseaux n’ont pas du tout peur d’elle, ils se posent sur ses bras, sur sa tête, ils viennent picorer jusque dans ses mains. Tous les jours, elle vient et s’assied à la même place, on dirait une statue vivante qui fait partie du jardin !
Les enfants qui jouent là après l’école sont comme les moineaux, à piailler et à courir dans tous les sens... Ils se poursuivent et se disputent, puis se rassemblent tout à coup et se calment. Les enfants, c’est autour de leur nounou ou de leur maman qu’ils se groupent pour picorer le goûter !... Jamais ils ne s’approchent trop près de la vieille dame, il parait qu’elle est « toquée », c’est le grand Jérémie qui l’a dit .
Aujourd’hui, c’est avec son papa que Frédéric est venu au parc. Aujourd’hui, il n’a pas envie de jouer avec Carine ou même Sébastien, il a envie de rester tout seul. Les autres parlent de la fête de dimanche, la fête des mères, ils se parlent des cadeaux qu’ils ont préparé à l’école, des fleurs, du petit poème...
Frédéric shoote dans un caillou, très fort... Zut ! Dans les jambes de la vieille aux oiseaux !... Du coup, elle le regarde, elle a des yeux très très bleus, presque transparents : « Pardon, madame, je... l’ai pas fait exprès..., bafouille Frédéric. - C’est rien... » répond la femme d’une voix toute enrouée. Comme elle continue à regarder Frédéric de ses yeux très bleus, lui, il reste planté devant elle, un peu bêtement.
Trois moineaux se sont posés sur sa tête et un autre becquette le croûton qu’elle tient dans la main ; Frédéric a envie de toucher l’oiseau, de lui donner aussi à manger... Il plonge la main dans sa poche, en ressort le biscuit de son goûter et le tend à l’oiseau qui s’envole aussitôt dans un froufrou d’ailes... « Tu lui as fait peur...dit la vieille, il faut y aller doucement... - J’aimerais bien leur donner, moi aussi. - D’abord, il faut t’asseoir et arrêter de balancer les jambes... Prends ton gâteau du bout des doigts et tends bien le bras, voilà !...Maintenant, il faut attendre tranquillement pour qu’il s’habitue à toi. »
Sur le banc dans le jardin, la vieille dame et le petit garçon sont assis en silence, les oiseaux se rapprochent, volettent de droite et de gauche... En voilà un, plus effronté que ses copains, qui vient attraper le biscuit de Frédéric !...Du coup, un grand sourire éclaire son visage... « Il faut être très patient avec les oiseaux, venir les voir souvent, tous les jours, leur parler... - Madame, pourquoi vous êtes toujours toute seule ?... - Je n’ai pas eu d’enfant...C’est comme ça !...Et toi, tu es avec ton papa aujourd’hui ?... - Oui, maman est malade... Elle va peut-être aller à l’hôpital... - Et ça t’inquiète... » Frédéric hoche la tête, s’il parle, il aura une drôle de voix, avec des larmes. « Tu sais, ce n’est peut être pas si grave...Je suis sûre que bientôt, elle ira mieux...Regarde, ton papa te cherche...Vas-y ! - Au revoir, madame. » Frédéric s’éloigne en courant comme un moineau qui s’envole, la vieille dame le regarde... C’est un petit garçon comme lui qu’elle aurait aimé avoir.
Le dimanche suivant, elle le voit arriver dans le jardin, un grand sourire aux lèvres. Un peu plus loin derrière lui, son papa soutient sa maman qui marche doucement, des fleurs dans les bras. Frédéric se plante devant la vieille dame : « Bonne fête, madame ! lui lance-t-il en lui donnant un rouleau de papier, c’est un dessin pour vous !... - Mais, ce n’est pas ma fête, c’est...Je ne suis pas maman... A son tour, elle bafouille. - Si, vous êtes la maman des oiseaux ! »
FIN