La cité perdue
Entre le canal de la Scarpe et celui de la haute Deûle, existe une étendue par endroit marécageuse. Non loin de là, à l'Escarpelle on y découvrait le bassin houiller dit du "Pas-de-Calais". Plus tard, a coté du puits N°6 de la nouvelle compagnie, une cité champignon apparaît comme surgie des champs : La Boussinière.
Désormais son existence n'est plus que virtuelle. "Camus", grands peupliers, jardins ouvriers ou petites rues tranquilles, on n'a pas fait le tri. Le "grand nettoyage" est aussi passé par là, il s'appelle cette fois ci : rénovation de l'habitat minier. La petite visite que vous y faites se situe au tournant de son histoire.
Ce type d'habitat constituait un progrès certain pour la condition ouvrière : salubrité, jardins potagers, poulaillers, clapiers, rues ombragées, petites places vertes, larges espace naturels, école... On doute fort que la nouvelle cité ait apporté un aussi net progrès. Priorité aujourd'hui au tout voiture, à l'individualisme, au "câble" pour la télé, dans les résidences anonymes.
L'été, même la traversée de la rue principale prenait des airs les plus agréables. Il ne fallait pas aller bien loin pour trouver une petite place ombragée fréquentée par les vieux mineurs blaguant sur un banc ou disputant une partie de boules; des enfants préparant un nouveau tour, cachés dans les buissons, revenant du terril voisin ou courant rejoindre le marchand de glaces ambulant qui diffusait sa mélodie répétitive.
Le raccourci de la gare, petit sentier dans l'herbe des champs que l'on prenait en revenant de Lille, Lens, Douai ou d'une autre ville agitée, avait cette particularité de vous soulager du stress de la journée. Au loin le roulement du train qui repart vers d'autres horizons, résonne dans l'air du soir.
Le chemin recouvert de poussière noir longe la voie ferrée; sur la droite des moutons apeurés rentre à l'abri. Ils forment pourtant une présence rassurante dans cette cité qu'un silence inquiétant a envahi.
Plus loin, de l'autre coté du chemin, le terrain de football dont le gazon n'a jamais été aussi fourni. Derniers spectateurs, les grands peupliers aux troncs énormes à l'écorce verte, dont chaque feuille s'agite frénétiquement au vent, semblent applaudir inlassablement quelque match oublié.