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 La vierge indienne

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Solène
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Solène


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Date d'inscription : 03/05/2007

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MessageSujet: La vierge indienne   La vierge indienne Icon_minitimeJeu 10 Jan - 20:01




La vierge indienne


Les gens qui vivaient aux alentours de la maison de mes parents, à Champigny, ne parlaient presque jamais de la Vierge du bois des « Étrières ». Pour ma part, bien que j'aie vécu longtemps à cet endroit, je n'ai jamais su l'origine du nom donné à ce petit bois séparant Champigny de Cap Rouge. Une espèce de légende voulait que vers 1891, une jeune fille de Québec ait été trouvée morte à l'orée de ce bois. Elle avait fait une chute de cheval et son pied gauche était resté attaché à la courroie qui supporte l'étrier. Mais, ça ...

Par contre, j'ai appris l'histoire de la Vierge trouvée à cet endroit précis. Le maire de l'Ancienne Lorette et les conseillers avaient décidé d'exploiter la masse de sable enfouie sous les arbres et d'y ouvrir une carrière, car cet emplacement appartenait de droit à la paroisse de l'Ancienne Lorette. L'idée pouvait être bonne et, de plus, rentable. Un arpenteur et des experts furent dépêchés sur les lieux afin de déterminer où se ferait le creusage et aussi la façon la plus économique d'y arriver. On estimait qu'il y avait là un gisement de sable évalué à des milliers de tonnes et sans doute plus.

L'arpenteur avait désiré que son fils, âgé de huit ans, l'accompagnât. Pendant que les hommes conversaient entre eux, le gamin courait de sentiers en clairières. Il allait sans compter ses pas. Tout près d'un taillis épais, il s'adonna à cueillir quelques fleurs sauvages. Soudain, au creux d'un tremble, il aperçut une niche dans laquelle se trouvait une statuette représentant une Vierge indienne. En se soulevant sur le bout de ses pieds, il pouvait la toucher. Depuis combien de temps se trouvait-elle au creux de cette petite niche presque entièrement couverte de fleurs sauvages? Qui donc avait sculpté la statuette dont le visage aux traits fins, délicats, était tout simplement ravissant ? Et aussi, pourquoi, malgré le vent, les intempéries, le froid, le verglas et quoi encore, les couleurs vives étaient demeurées intactes?

Toutes ces questions laissaient l'enfant rêveur tandis que l'heure passait. Soudain, il entendit la voix de son père qui l'appelait. Il se dirigea du côté d'où venait la voix et se retrouva face à face avec son père qui semblait fort agacé :

- Il y a au moins une heure que moi et mes hommes nous te cherchons. Pourquoi ne donnais-tu pas signe de vie ? Nous avons perdu beaucoup de temps. Allons, viens maintenant !
- Pas avant que je ne te montre la statuette indienne que j'ai trouvée, répondit l'enfant.
- Qu'est-ce que c'est ? Encore une autre de tes illusions, reprit le père toujours un peu furieux.
- Non, papa ! Viens voir ! insista l'enfant dont le visage rayonnait de joie.

Curieux, tous les hommes insistèrent et l'arpenteur se laissa fléchir. En effet, au creux du tremble dont l'enfant avait parlé, tous purent voir la petite Vierge indienne sculptée et déposée à l'endroit le plus visible sur ce sentier. Tous voulurent la prendre dans leurs mains afin de l'admirer de plus près. Ni l'arpenteur ni aucun de ses hommes ne purent la déroger de cet endroit.

On fit une sorte d'inspection autour de l'arbre. Il y avait peut-être quelque chose qui la retenait, des clous, des lierres, des racines peut-être ? Les hommes se regardèrent mais personne n'osait ouvrir la bouche pour dire quoi que ce fût. On décida d'en parler au curé. Le garçonnet insista auprès de son père qu'il retrouverait son chemin. L'arpenteur hésita un moment puis déposa une boussole dans la main de son jeune fils. Puis les hommes le suivirent vers la voiture tandis que le cheval happait les feuilles tout au bout des branches tendues vers la route sablonneuse du bois des Étrières.

Demeuré seul, le fils de l'arpenteur se mit à prier la Vierge. Il lui demandait naïvement s'il existait un secret et pourquoi elle se trouvait là, au creux de l'arbre et, enfin, depuis combien de temps ? La statuette restait silencieuse.

Il n'y avait aucune lumière bienfaisante. Le temps était couvert à ce moment-là de la journée. Pas de vent, pas de brise, rien ! C'était le silence autour de la Vierge indienne et de l'enfant.

Soudain, une voix claire mais d'une indicible douceur se fit entendre :

- Félix, écoute-moi bien ! dit alors la voix qui venait de la statuette.
- Vous savez mon nom ? interrogea le jeune enfant, tout en regardant tout autour d'une illusion.
- Je sais tout de toi, reprit la voix. Voici ce que je veux te dire. Il y avait ici, oh ! il y a bien longtemps, un petit village indien. C'est un catéchumène qui, à ma demande, a sculpté la statuette et y a peint les couleurs de sa tribu. Comme il désirait le baptême de tout son cœur et que les missionnaires étaient loin d'ici, il a fait sa demande à haute voix devant la statuette et l'a déposée lui-même au creux de cet arbre. Alors, il reçut un baptême de désir. La pluie se mit à tomber sur son front. Alors, je l'ai pris sous mon manteau et je l'ai présenté au Maître du monde. C'était là ce que je devais faire pour ce petit indien qui portait le nom de sa famille Takiwonn. Félix, reprit la voix, c'est moi qui t'ai amené à ces lieux.

- Parlez, Vierge indienne. J'aime entendre votre voix.
- Fort bien ! Je vais te demander quelque chose, dit encore la Voix.
- C'est promis, Vierge indienne. Demandez-moi n'importe quoi ! s'exclama l'enfant au comble du bonheur.
- Attention, Félix ! Les hommes sont prompts à discourir, mais lents à comprendre, ajouta la voix mystérieuse. Tu vas aller voir le curé et tu lui diras qu'il y a si longtemps que je suis ici, seule dans ce petit bois, car personne n'a remarqué la statuette lorsqu'on retrouva le corps du jeune indien au pied de ce tremble. Tu diras à ton curé que je veux être transportée ailleurs.

- Mais où, Vierge indienne ? demanda Félix.
- Dans l'église paroissiale !
- Mais, attendez un peu, Vierge indienne, soupira l'enfant. Personne n'a pus vous tirer de cette niche tout à l'heure.
- Je sais qui le fera, reprit la voix enchanteresse. Si tout n'est pas miracle, tout est cependant grâce !

Et la voix se tut !
L'enfant se rendit au presbytère, mais le curé ne voulut rien entendre à ces «chinoiseries». Le jeune Félix répliqua que son père et plusieurs personnes avaient vu la statuette mais qu'aucun n'avait pu la tirer de la niche au creux de l'arbre. Il insista tellement que le curé promit de faire quelque chose. Mais, une fois l'enfant parti, il le fit exprès pour oublier toute cette histoire qui lui semblait être une rêverie d'enfant.

Un mois plus tard, Félix tombait malade que le médecin appelé auprès de lui désespérait de lui sauver la vie. Un soir, seul avec son père, l'enfant demanda qu'on le conduisît devant la statuette, au bois des Étrières.

- Pas question ! dit le père, à la fois déterminé et troublé. Tu es trop malade. Cela te tuerait, mon petit Félix !
- C'est tout le contraire, papa ! reprit l'enfant. Si je reste ici, je mourrai !

L'arpenteur ne voulait pas voir mourir son fils unique. Pourtant, cela lui paraissait être une folie qui deviendrait sans doute fatale. Il consulta d'abord le curé et le médecin. Il fut décidé que l'on transporterait Félix -- allongé sur le foin au fond d'une charrette -- jusqu'à la statuette du bois des Étrières. Tous arrivèrent en même temps, car les nouvelles vont vite dans un rang ou même dans un village. Il y avait le maire, les conseillers, le médecin, l'arpenteur, le notaire, le maître-chantre, l'organiste, Aline Roy, et quelques femmes pieuses. Malgré ses doutes, le curé demanda aux gens qui se trouvaient là de prier la Vierge Marie. Puis, plusieurs hommes tentèrent à nouveau de tirer la statue de la niche. Peine perdue. C'est alors que Félix demanda à son père de le soulever jusqu'à la hauteur de la niche.

Félix prit alors la statuette dans ses mains et la tira sans effort. Elle ne pesait que dix onces. Il la déposa dans les mains du curé qui pleurait d'avoir douté.

La statuette fut transportée à l'église paroissiale et on lui donna une place d'honneur dans l'abside. Le curé organisa une cérémonie spéciale et nomma la statue Notre-Dame du Bois des Étrières.

Félix recouvra la santé, fit son cours classique et quatre années de Grand séminaire. Une fois ordonné, il se fit missionnaire. Il demanda la permission d'apporter la statuette avec lui. Elle lui fut accordée. L'approbation fut signée par l'Évêque de Québec. Il y a bien longtemps de tout cela. Où est Félix maintenant ? Où est la Vierge indienne ? Au Kénya, en Amérique latine, aux Indes ? Il faudrait avoir la curiosité de le demander aux autorités ecclésiastiques de qui relève Félix. Elles pourraient nous renseigner sur le sort de la statuette du bois des Étrières. Quant à moi, je n'ai ni le droit, ni la mission de divulguer mes souvenirs. Si ma mémoire est encore bonne, Félix doit avoir aujourd'hui soixante ans.
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